3 août 2014

Le harcèlement moral dans la fonction publique - les procédures

Dans Village-Justice, Christelle Maza, avocate, fait le point sur le harcèlement moral dans la fonction publique d'un point de vue légal (voir l'indispensable article ici). L'article auquel nous renvoyons explique aussi bien la législation sur le problème que la façon de constituer un dossier de harcèlement et les modes de recours. Nous invitons les intéressés à lire l'article in extenso pour pouvoir faire valoir leurs droits.

Nous nous bornerons ici à reprendre quelques points relatifs au harcèlement professionnel. Les passages suivants sont des extraits de l'article référencé ci-dessus.

Définition
Le harcèlement moral naît de façon anodine et se propage insidieusement. Dans un premier temps, les personnes concernées ne veulent pas se formaliser et prennent à la légère piques et brimades. Puis ces attaques se multiplient et la victime est régulièrement acculée, mise en état d’infériorité, soumise à des manœuvres hostiles et dégradantes pendant une longue période.
De toutes ces agressions, on ne meurt pas directement, mais on perd une partie de soi-même. On revient chaque soir usé, humilié, abîmé. Il est difficile de s’en remettre.
Dans un groupe, il est normal que les conflits se manifestent. Une remarque blessante dans un moment d’énervement ou de mauvaise humeur n’est pas significative, à plus forte raison si elle est suivie d’excuses. C’est la répétition des vexations, des humiliations, sans aucun effort pour les nuancer, qui constitue le phénomène destructeur.


Le droit français

Le droit français a introduit le harcèlement moral dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, créant les articles 222-33-2 du code pénal et L122-49 à L122-53 du code du travail (aujourd’hui codifiés aux articles L1152-1 et suivants du code du travail).
La loi de modernisation sociale a créé sur le modèle de l’article 6 ter l’article 6 quinquies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 disposant :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale  ou de compromettre son avenir professionnel.
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération :
1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;
2° Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;
3° Ou bien le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’il les ait relatés.
Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus.
Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. »

Sont ainsi protégés :
  • La victime de harcèlement moral,
  • Les personnes de l’entourage professionnel proche qui auront témoigné en faveur de la victime,
  • L’exercice même d’un recours à l’encontre du harceleur. 
Concrètement

Le harcèlement moral se traduit par un acharnement verbal et/ou comportemental répété entraînant la désorganisation du travail de la victime. L’agresseur cherche à pousser l’agent à la faute, le repousse sur ses retranchements, lui ôte toute initiative et le met partiellement ou totalement à l’écart.
Le harcèlement moral pourra se traduire par :
  • Une surveillance tatillonne du travail, sollicitant la remise de rapports très fréquents pour des tâches mineures,
  • Des ordres contradictoires, une réorganisation du travail permanent dont l’agent n’est jamais tenu informé,
  • L’octroi de missions impossibles à réaliser, de délais impossibles à tenir afin de prouver une insuffisance professionnelle,
  • une mise au placard,
  • Le transfert des responsabilités de l’agent à un stagiaire moins expérimenté, la mise à l’écart de ses missions habituelles,
  • Des propos humiliants en présence de subordonnés en vue de discréditer l’autorité de l’agent dans son équipe,
  • La manifestation d’une irritabilité en présence de l’agent, le fait de lui couper la parole ou de l’invectiver brutalement et quotidiennement devant ses collègues,
  • Le fait de lui ôter tout pouvoir de signature, de mettre en doute son honnêteté après des années d’ancienneté et une notation irréprochable,
  • Le fait de diminuer sa notation et d’entraîner l’échec de toute avancée promotionnelle,
  • le fait de s’approprier son travail le reléguant aux yeux des autres à un simple exécutant,
  • Le fait de se moquer de l’agent ou d’en faire l’objet de dérision, colportant de fausses rumeurs ou des insinuations malveillantes,
  • Le fait de ne donner aucun poids ni aucun intérêt à ses propos, ses notes ou son travail,
  • Le fait de le manipuler à des fins extérieures à l’intérêt du service, par des processus pervers d’isolement,
  • Le fait de le pousser à douter de lui-même et à remettre en cause sa compétence professionnelle,
  • En bref, l’humilier et le détruire.
Dans la jurisprudence précitée du 11 juillet 2011, le Conseil d’Etat a retenu que si la gravité des agissements interdit toute exonération de la responsabilité de l’administration, celle-ci peut se trouver atténuée par la faute, légalement constatée, de l’agent, notamment dans le cadre d’une procédure disciplinaire.