16 oct. 2014

En amont du Daesh

Le Courrier des Balkans (ici, en français) analyse ce qui pousse les jeunes Bosniaques à partir vers les milices meurtrières qui sévissent dans le Daesh, en Irak et en Syrie. Ce sont les politiques monétaristes d'austérité mise en œuvre sous l'égide de l'Union Européenne qui désespèrent les populations civiles, qui leur coupent toute perspective et les préparent à s'embrigader n'importe où. La Bosnie n'est pas le seul pays touché: c'est l'ensemble de l'Europe, ce sont les États-Unis qui voient leurs populations sans perspective sombrer.

Extrait.

Le problème de l’Etat islamique en Syrie et en Irak ne sera pas résolu par une intervention militaire, sans que l’on arrive à comprendre ce qui pousse des milliers de jeunes gens à quitter les métropoles telles que Paris ou Londres ou nos montagnes bosniaques pour rejoindre cette organisation », explique le théologien islamique Muhamed Jusić. Il ajoute : « Toutes les analyses sérieuses ont démontré que la mobilisation de ces personnes est motivée par leur situation sociale, leurs conditions de vie, leurs possibilités et la marginalisation qu’elles subissent ».

Un problème social, pas un problème religieux
Les wahhabites riches sont rares. Il s’agit, pour la plupart, des jeunes chômeurs : ils viennent de familles démunies et trouvent refuge dans les rangs des organisations qui les accueillent à bras ouverts. Professeur à la Faculté des sciences politiques à Sarajevo et expert des questions de terrorisme, Vlado Azinović considère que tout le monde – les familles, les communautés religieuses, la société – devrait s’engager dans la solution du problème.
« La criminalisation de ces phénomènes ne devrait intervenir qu’en dernier ressort. Arrêter des gens est le plus simple à faire. Par contre, nous manquons de toute une série de mesures préventives qui n’ont rien à voir avec la législation. Elles concernent la famille, le système scolaie,les services sociaux, les communautés religiuses qui doivent travailler en amont », affirme Vlado Azinović.
Avec un taux de chômage des jeunes record en Europe - ils représentent un tiers des chômeurs - et plus de la moitié de la population en-dessous du seuil de pauvreté, la Bosnie-Herzégovine est un terrain de choix pour le développement des extrémismes.
« Depuis la fin de la guerre, nous avons toujours plus de jeunes parents qui viennent demander des repas gratuits avec leurs enfants. C’est bien triste », explique ainsi Zilha Šeta, responsable de la soupe populaire Stari Grad, à Sarajevo.
Par exemple, Haris Čaušević, dit Oks, a commis »une attaque terroriste contre le poste de police de Bugojno en 2010, tuant un policier (http://balkans.courriers.info/article15486.html). Il était membre des cercles islamiste radicaux. Il a quitté l’école secondaire, se promenait souvent avec des armes et se comportait de manière violente. Son père est mort quand il était petit et il vivait avec sa mère et sa sœur. Il n’a jamais travaillé.
Elvir Muratović a été arrêté au cours de l’action Damask. Sa famille explique qu’il vivait dans la pauvreté. Sa tante Smaila Mušanović dit qu’il ne pourrait pas financer une organisation terroriste parce qu’il n’a même pas les moyens pour garantir une vie décente à sa propre famille : « avec six enfants, il ne peut aider personne d’autre. Ils n’ont pas à manger, quatre enfants sont scolarisés. Savez-vous ce que coûte un enfant qui va à l’école ? »
« Compte tenu du contexte social et des problèmes de survie de la population de la Bosnie-Herzégovine, nous pouvons nous attendre à une véritable explosion des mouvements idéologiques et politiques radicaux », explique Ibrahim Prohić, psychologue et analyste politique. Les problèmes économiques de la population bosniaque ont entraîné la chute du taux de natalité. Les forces radicales profitent des réseaux sociaux pour inviter les femmes de Bosnie-Herzégovine à partir dans les zones de guerre pour y trouver « des frères capables de leur procurer une existence digne », tout en les engageant « élever de futurs moudjahidines ».