14 févr. 2015

Histoire de la protection sociale en France

Nous vous recommandons une très belle émission de radio sur Radio Grenouille (ici, en français) sur l'histoire de la protection sociale en France.

Nous ne partageons pas tout ce qui est dit dans cette émission - notamment sur la question des déficits de la sécurité sociale: pour nous, pour augmenter les salaires, il suffit ... d'augmenter les salaires et, pour diminuer l'emploi, il faut déconnecter le salaire (utile) et l'emploi (nuisible). Par ailleurs, pour libérer l'emploi, il faut a minima abolir la propriété lucrative et encourager la propriété d'usage de l'outil de production. Mais ceci est une autre histoire.

Nous avons retranscrit quelques repères historiques qui jalonnent cette émission pris dans l'interview d'Emmanuelle Saujeon (à partir de 20'):

- Antiquité: prise en charge par la communauté des rites funéraires (on a retrouvé une stèle d'un esclave payée par cotisations de ses coreligionnaires)

- Au Moyen-Âge, on réprime les miséreux, on les enferme. On laisse aux communes ou à l'Église le soin de l'assistance

- 1604: Henri IV prend un édit pour protéger les mineurs de fond des accidents du travail en mettant en place une prise en charge de ces accidents par le trésor royal.

- 1673: Colbert reprend l'idée d'Henri IV pour les marins de la marine royale. La protection sociale des marins comprenait la prise en charge des accidents du travail, la pension d'invalidité, la pension vieillesse, une assurance maladie (avant l'heure) en faisant construire deux hôpitaux (Toulon et Rochefort) où les marins étaient soignés gratuitement. Cette protection sociale était financée non par l'impôt mais par la cotisation sur la solde des marins.

- Les compagnons organisés en corporations créent une caisse commune où chacun verse selon ses moyens et puise selon ses besoins.

- Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, les ouvriers urbains apparaissent et organisent les premières caisses de secours mutuel.
Les premières caisses seront clandestines à cause de la loi Le Chapellier qui interdit toute forme d'association. Cette loi est abrogée au milieu du XIXe siècle. Ces sociétés de secours mutuel, on y rentre volontairement - il n'y a pas d'obligation - à condition d'avoir les moyens de verser la cotisation annuelle. Les membres cotisants ont droit à une prise en charge du risque maladie - remboursement des frais médicaux. Pour les sociétés mutuelles les plus importantes, avec le plus d'adhérents, il pouvait y avoir une extension des risques couverts à la retraite, à une somme de secours quand on était dans le besoin, etc.

- Au XIXe siècle, les maigres avancées du droit social (limitation et interdiction du travail des enfants) sont contournées par des employeurs qui évoquent ... la concurrence internationale. Dans le contexte de misère grandissant, c'est la charité privée des œuvres de bienfaisances, c'est la charité des riches envers les pauvres qui prolifère.

- Au XIXe siècle, le paternalisme patronal fournit parfois tout aux employés: un toit, de la nourriture et même ... une retraite. Mais, en échange, il faut marcher au pas.

- Fin XIXe siècle, Bismark, en Allemagne, rend la protection sociale obligatoire pour les salariés en-dessous d'un certain revenu. Pour les autres, la protection sociale restait facultative.

- 1898, première loi sur les accidents du travail en France. Auparavant, l'ouvrier est pris en charge s'il arrive à prouver que l'accident est arrivé à cause du patron. Cette preuve était difficile à établir. À partir de cette loi, l'employeur est de toutes façons responsable de l'accident du travail. Les employeurs doivent s'assurer auprès de compagnies d'assurance privées.

- En 1930, les assurances sociales obligatoires sont mises sur pied en France. Il y avait eu la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes qui avait été un échec.
C'est le même modèle que Bismark: assurances sociales financées par cotisations, obligatoires pour les seuls salariés du commerce et de l'industrie en dessous d'un certain salaire. Pour les autres, la protection sociale demeurait facultative - ils pouvaient se tourner vers la capitalisation. La protection sociale couvrait la maladie, l'invalidité, la maternité, vieillesse et décès. 
- Pendant la seconde guerre mondiale, le Conseil National de la Résistance adopte un projet politique à mettre en œuvre à la Libération comprenant un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils ne sont pas capables de se les procurer par le travail.
Ce projet a abouti à la mise en place de la sécurité sociale qui fonctionne toujours à ce jour. Cette sécurité sociale permet le salaire sans emploi, universelle. Le système est universel - comme en Angleterre - mais fondé sur la cotisation - comme en Allemagne.
Les agriculteurs, les mineurs et les patrons conservent leur propre sécurité sociale mais le système fonctionne. La sécurité sociale sera étendue à l'allocation handicapés, au chômage, au RMI, à l'aide médicale d'urgence ...
Elle demeure porteuse d'un formidable potentiel susceptible d'être étendu à l'ensemble de la production de valeur économique.